CAPSULE 15 : Le langage corporel

Un jour, alors que je me baladais dans un obscur centre commercial, j’ai été attiré par le bourdonnement lointain d’une foule qui acclamait la performance d’un chanteur country sur le déclin. À moins que ce soit un chanteur country de la relève; on ne peut jamais vraiment être sûr de rien dans les obscurs centres commerciaux. Le joyeux ménestrel, encouragé par la réaction débordante de la foule, se mit en frais d’expliquer la genèse de l’œuvre qu’il était sur le point d’interpréter. Le pauvre gesticulait tellement en parlant que, dans une envolée verbale ponctuée de grands gestes amples et saccadés, il envoya promener son lutrin et ses partitions dans la foule et dut interrompre son tour de chant pour quelques minutes le temps de récupérer toutes ses feuilles et de ramasser ce qui restait de son amour-propre. En constatant l’ampleur du désastre, j’ai réalisé deux choses importantes : premièrement, la vie est dure pour les cowboys du Québec. Ensuite, le fait d’avoir un langage corporel adapté à notre discours est essentiel pour transmettre notre message.

Lorsque le courageux interprète entonna sa ritournelle, j’ai été à même de constater que sa musique était encore pire que son discours et je suis parti en méditant sur le sort de tous ces artistes qui ont vu leurs rêves de gloire et de succès se briser dans les couloirs des obscurs centres commerciaux. Aussi, à vous qui rêvez de devenir un meilleur orateur ou une meilleure oratrice, permettez-moi de vous donner quelques conseils pour réussir ce cinquième projet, qui comprend deux objectifs.

Objectif 1 : Aidez-vous de votre attitude, de vos mouvements, de vos gestes, des expressions de votre visage et du contact visuel avec votre auditoire pour faire passer votre message.

Après quelques années passées chez Toastmasters à essayer de corriger mes défauts, j’ai remarqué que la plupart des orateurs, lorsqu’ils débutent, se divisent en trois catégories :

  • Ceux qui souffrent du syndrome du piquet de clôture, c’est-à-dire ceux qui sont rigides dans leur maintien, qui sont incapables de regarder l’auditoire en parlant et qui ont un débit mécanique et monotone. Vraiment, la peur de parler en public les paralyse. J’ai déjà souffert de ce syndrome fort incommodant.
  • Ceux qui souffrent du syndrome du ventilateur : ils gesticulent tellement quand ils parlent et sont tellement survoltés qu’ils pourraient facilement remplacer un climatiseur en plein été et rafraîchir la température de notre salle de réunion.
  • Ceux qui enfin sont à l’aise dans le maintien et la gestuelle, mais qui éprouvent de la difficulté à d’autres niveaux (voix, structure, choix des idées, choix des sujets, etc.)

Bref, personne n’est parfait au début de sa formation. Parler en public est un défi énorme pour certains. Parmi tous les obstacles à franchir pour nous libérer de cette peur, ce sont ceux qui sont reliés au maintien et à la gestuelle qui sont les plus difficiles à maîtriser. Il en est ainsi parce que notre corps est un traître : il manifeste toute cette crainte et cette incertitude que nous nous acharnons à vouloir camoufler. L’enjeu n’est pas seulement d’apprendre à maîtriser son discours, mais également d’apprendre à maîtriser tous ces tics nerveux que nous pouvons avoir. Voici d’ailleurs les tics les plus fréquents :

  • Se balancer de gauche à droite
  • Lever ou croiser les jambes
  • S’appuyer sur le lutrin
  • Avoir les mains dans les poches et faire tinter ses clés ou sa monnaie
  • Se tenir les mains dans le dos.
  • Parler en tenant un crayon dans ses mains.
  • Se passer la main dans les cheveux.

Pour se débarrasser de ces tics qui nous empoisonnent la vie, il faut d’abord en être conscient. Même si notre évaluateur nous répète de faire attention à notre gestuelle, tant que nous n’avons pas constaté par nous-mêmes tous nos défauts, nous serons peu portés à faire les efforts nécessaires pour nous corriger. C’est pourquoi, lorsque vous répétez votre discours, je vous conseille de procéder en deux temps. D’abord, répétez-le de manière à bien en maîtriser le contenu. Il n’est pas nécessaire de l’apprendre par cœur et de le répéter mot à mot; assurez-vous simplement d’être capable de le rendre de manière fluide et d’être capable de rattraper vos idées si jamais vous avez un trou de mémoire. Ensuite, installez-vous devant le miroir et répétez votre discours. Les plus téméraires d’entre vous pourront même filmer leur discours. D’une manière ou d’une autre, vous pourrez voir de vos yeux tous ces tics que vous vous efforcez péniblement de cacher. Vous deviendrez de plus en plus conscients de vos mouvements lorsque vous parlez. Peu à peu, vous pourrez les corriger. Avec le temps, vous serez en mesure d’adopter une gestuelle qui complète votre discours et où chaque geste, chaque regard et chaque expression sont étudiés et peuvent augmenter l’impact de vos paroles chez vos auditeurs.

Objectif 2 : Efforcez-vous d’avoir un langage corporel sans à-coups et naturel.

Malgré tout, il ne faut pas non plus que l’on accorde une importance excessive à notre maintien et à notre gestuelle. On constate parfois chez certains orateurs une exagération au niveau de la gestuelle et de l’intonation. Il y a une différence entre faire un discours et animer une émission pour enfants préscolaires. Un excès dans les gestes, dans le ton et dans le maintien ne saurait servir votre discours. Au contraire, votre auditoire prendra conscience de vos excès. Aussi, il vaut mieux parler en conservant quelques tics rassurants qu’en jouant un personnage. Autrement, vous risquez d’être perçus comme une personne qui n’est pas authentique et qui se cache derrière un masque. L’authenticité de l’orateur rejoint davantage l’auditoire que le plus structuré des discours.

Vouloir rester soi-même n’est toutefois pas une excuse suffisante pour ne pas apprendre à se servir des gestes appropriés au bon moment. Les gestes sont essentiels aux discours, car ils permettent :

  • de clarifier et étayer nos arguments;
  • de donner du relief à nos idées;
  • d’accentuer et d’amplifier nos paroles (mais pas trop);
  • de diffuser la tension nerveuse;
  • de servir comme support visuel;
  • de mobiliser l’auditoire (mobiliser ne veut pas dire déconcentrer);
  • d’attirer l’attention.

Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’il existe une typologie des gestes et qu’on peut les classer en quelques catégories :

  • Les gestes descriptifs : Ils aident à clarifier une idée ou à faire comprendre les comparaisons et les oppositions. Ils permettent à l’auditoire d’imaginer les formes, les tailles, les mouvements, les dispositions, les fonctions et autres caractéristiques des objets. Par exemple, écarter les bras en disant : « Vous ne me croirez peut-être pas, mais j’ai pêché un saumon long comme ça! »
  • Les gestes rhétoriques : Ils servent à donner de l’insistance à nos propos et sont signes d’ardeur et de conviction. Par exemple, montrer un poing fermé en disant : « Malheur à celui qui osera me dire que le but d’Alain Côté n’était pas bon! »
  • Les gestes évocateurs : Ils servent à exprimer une idée ou une émotion de manière symbolique pour aider l’orateur à créer une ambiance ou transmettre sa pensée. Par exemple, hausser les épaules en disant : « ce que l’avenir nous réserve, je l’ignore, mais il est certain que si nous ne prenons pas les choses en main, la situation risque de se détériorer. »
  • Les gestes mobilisateurs : Ils indiquent à l’auditoire ce qu’on attend de lui. Par exemple, lui demander de se lever en faisant le geste avec la main. Ça permet de guider notre auditoire sans avoir même recours à la parole.

Pour ceux et celles qui désirent en savoir davantage sur la gestuelle, sachez qu’il existe une brochure fort intéressante produite par Toastmasters International et qui s’intitule « Le langage corporel : chaque geste est une parole. » Rappelez-vous que c’est par la pratique et uniquement par la pratique que l’on apprend à maîtriser son langage corporel et à développer une gestuelle appropriée. C’est vrai si on souhaite devenir un bon orateur, mais c’est encore plus vrai si on souhaite devenir une vedette de la chanson country.

Robin Plourde, ACB
Club Olympia